"Je me rasai de près, brossai mes cheveux roux sans grand succès
et me parfumai le cou."
J'avais décidé
Deux années auparavant
Qu'au bal de mes 21 années
Elle saurait mes sentiments.
Alors que ma timidité m'empêchait
Toute forme de discussion
Qu'elle me faisait bégayer
À chaque conversation.
Je me fis le serment
Un soir de mauvais temps
Comme un cri de guerre
Envers mon être tout entier,
Que rien ne saurait faire barrière
À cette promesse insensée
Et que je ne connaîtrais le répit
Dans ma jeune vie
Qu'en travaillant ma diction
Et ma déclaration.
Alors, je suis parti en quête
D’apprentissages
Auprès des plus sages
En commençant par mon frère,
Connu pour ses conquêtes
À la grande peine de ma mère
Toujours très inquiète,
Qu'il ne finisse par faire une famille
Malgré lui.
Il me dit qu’une fille
Se séduisait facilement,
Il fallait simplement
Lui faire un compliment.
Alors pendant deux années
J'ai méticuleusement cherché
Quelle louange me permettrait
De montrer à Jeannette
Que malgré toutes les catherinettes
C'était elle que je voulais.
J'ai écouté chaque conversation
Pour trouver l'inspiration
Si j'avais su lire
J'aurais peut-être su quoi dire.
J’ai fini par demander conseil
Au Père Joël
Qui m'encouragea à prier
Avec sincérité.
Il me dit que l'amour
Ne saurait se réduire à un mot
Et qu'importe mon discours
Elle entendrait à demi-mot
Ce que mon coeur lui disait.
Cette idée me rassura.
Une autre fois, un des garçons
De la mine de charbon
M’avait confié
Qu'il était approprié
D’offrir un bouquet d'hortensia
Au moment de courtiser
Ou de tenter un premier pas.
Alors, ma mère me proposa
De composer le bouquet.
Je refusai
Car je voulais être prêt
À montrer à ma dulcinée
Que je saurais lui en faire cadeau
De nouveau.
Ce matin-là, dans tous mes états,
Je demandai à mon oncle Henri
Son plus bel habit
Celui qu'on garde avec affection
Pour les grandes occasions.
Je me rasai de près,
Brossai mes cheveux roux
Sans grand succès
Et me parfumai le cou.
Mes chaussures avaient été prêtées
Par le voisin d'à côté.
Comme si tout le village finalement
Avait été mis au courant
Et souhaitait m’encourager
Dans cette épopée.
Le soir venu, le bal commença
Mon frère me servit du calva
Notre liqueur de pomme
"Courage, bonhomme"
Me dit-il de toutes ses dents
En m'envoyant
Vers le centre du champ
Où rayonnait ma Jeannette
Qui portait sur la tête
Une couronne de fleurs
Dont le choix des couleurs
La mettait tant en beauté
Que je faillis renoncer.
Je priai un peu
Le bon dieu.
Un bouquet de fleurs noué
Entre mes doigts serrés
Je me rappelai de mes vœux
Et dans un élan courageux
J’avançai d'un pas décidé
Vers ma destinée.
FIN
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