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GWENOLA - 14 juin 1589

"J'ai la vue brouillée, pourtant mes larmes sont séchées instantanément par la fumée".



 

J'ai peur Car aujourd'hui, je meurs Mes pieds sont nus, mes mains sont liées

Comme mon présent et mon passé Il n'y aura pas de futur pour moi Et j'ai tellement froid. Plus pour longtemps... L'odeur du soufre arrive lentement

Remplacée par le doux souvenir Du parfum des fleurs, à côté des menhirs

Où je m'allongeais les soirs d’été Auprès de mon amant si passionné. Sans doute, l'ai-je aimé trop fort

C'est peut-être là que fut mon tort ? Mon ultime étreinte sera ce poteau en bois

Il se demande aussi ce qu'il fait là, je crois.


J’aurais tant souhaité une dernière volonté

Pour réchauffer mon cœur peiné. Je n’aurais pas demandé un grand festin

Ni de goûter un mets lointain Seulement, la tarte aux pommes sortie du four

Caramélisée avec tant d’amour Par mon adorable grand-mère. L'ultime sensation de mon palais sera celle du fer. J'ai la vue brouillée, pourtant mes larmes sont séchées

Instantanément par la fumée. J’aperçois au loin l’océan Dont je peine à distinguer l’horizon blanc.

Cette force vitale et nourricière Qui parfois devient meurtrière Rappelant à elle, les pêcheurs égarés

Durant les nuits de grandes marées

Comme mon père qui me manque tant

Que je m'apprête à retrouver maintenant.

Je ne distingue plus le réel de l'imaginaire

Mon esprit se perd. Quel est ce son que j'entends ? Est-ce la mélodie des rires d’enfants De retour vers le village, Les poches pleines de coquillages

Entourés de mouettes et de goélands ?

Non, je suis seule sur un bûcher ardent. Le néant, lentement, m'entoure De son imposant manteau de velours Créant un silence angoissant. Mes sens se taisent à présent. Je me demande ce que les gens diront de moi,

J’espère qu’ils se souviendront de mes choix

Plutôt que des circonstances de ma mort Cette pensée sera mon dernier réconfort. Je ne serai bientôt plus que cendres dans le vent,

Emportées par la haine de ces ignorants. Mais d'abord, je serai flamme ! En ce jour maudit que je condamne Je vais dévoiler ma pleine puissance Mon bûcher sera à la hauteur de leur suffisance I

ls peuvent avoir ma chair, je m’en délaisse Mais jamais mon âme, j’en fais la promesse.



J'ai pitié d’eux De la faiblesse de leurs yeux Aveuglés par leur foi Alors que je suis simplement moi. Le seul danger que je représente Est pour leur virilité malfaisante Ils m'appellent « sorcière » ? Alors, j'en suis fière. Je rejoins la lignée de ces femmes savantes

Audacieuses et indépendantes Agissant au quotidien pour notre futur. En ce jour, je fusionne avec la nature

Permettant à la vie de pousser Terreau ensorcelé Car la fleur que je serai devenue

Servira à émerveiller la vue De celles qui puiseront dans ma beauté

Et dans ma sauvage liberté Le courage de revendiquer la leur. Je serai une lueur L’espoir pour les guider Rien ne pourra plus nous arrêter.


FIN

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